Un paysage mental limité par l'illimité. Cerné par un monde hostile : deux hommes. L'un à fait quelque chose d'affreux, l'autre ne veut pas le comprendre. Mais qui sont-ils ? Et quels liens les unissent ? L'autre porte l'un tendrement dans ses bras, le couvre avec son tricot. "Je ne voulais pas, je l'ai fait" finis par dire l'un, trempé jusqu'à l'os, le regard lavé, perdu au loin.
Effraction du passé dans le présent.
Une traversée chimérique, un bateau ivre, l'horizon borné d'une mélancolie sombre mais pleine de calme et de beauté. Les deux hommes parlent, mangent… s'aiment ? les mots sont rares, simples, précieux, ouverts et dérisoires. Ce qu'il y a derrière les mots semble beaucoup plus important. Chacun contient une infinité de déploiements oniriques possibles, une infinité d'identifications possibles donc. Pas de lecture univoque, surtout pas, mais une convocation de l'imaginaire, des rêves épars aux brumes de la mer. Un voyage dans votre propre pays mental : ouverture de vos frontières mentales, exploration des métaphores de votre imaginaire, observation des rebondissements sur votre inconscient. C'est étrange, au bord des tourbillons profonds de l'océan, je me laisse emporter par cette histoire ténue et pourtant tellement déchirante. Pourquoi ? Dans ce paysage ou "rien ne pousse", c'est mystérieux… vous ne trouvez pas ? C'est mystérieux comme c'est banal, comme les mots sont ordinaires, communs, courants, usés, mais avec quelle puissance il font surgir à l'horizon de l'imaginaire cette île, ces vagues si hautes, ce phare, ce vent, l'océan… Bien sûr, "ce ne sont que des mots", mais la scène (et ce dispositif scénique en particulier) à ceci de mystérieux, que, tel un amplificateur cosmique, elle confère une puissance dramatique vertigineuse au moindre mot, au moindre silence, au moindre geste. Dans un monde ou "tout est tellement visible", ou "tout se voit tellement", C'est un peu comme une leçon de vie et de théâtre de convoquer l'invisible. Image-imaginaire et image-scénique se superposent, laissant l'empreinte d'un voyage avec le vent.
Extraits : "Maintenant on va prendre la route… La vie doit continuer, rien ne poussait ici… Je l'ai fais parceque j'étais si lourd… J'étais sur les vagues, j'étais sous les vagues… Et le bateau derrière dérivait… Tu es un mur de béton qui se lézarde… J'aime être léger, me balancer doucement… J'ai peur de sauter… Je ne pense pas que le vent se lève… Je regarde vers le phare… Et Je crie "ou es tu?"… Et puis je pars… Je suis parti… Je suis parti avec le vent… Je suis parti maintenant… Je suis le vent…"
Un avant-goût du festival d'Avignon. La pièce y est présentée du 8 au 12 juillet…
"I am the Wind", un texte de Jon Fosse mis-en scène par Patrice Chereau, scénographie de Richard Peduzzi avec Tom Brooke et Jack Laskey.
Elle en a de l'audace, l'auteure, de se dévoiler comme elle le fait, pour nous parler de nous de la sorte ! Il en faut du courage pour être elle. Elle ne ménage personne ! Elle gratte les tréfonds de nos vies pour déceler nos tares potentielles qu'elle met à jour, grossit, déforme, jusqu'à atteindre notre monstruosité. Quand avez-vous été monstrueux ? Racontez ! Racontez votre folie ! Celle qui vous habite en germe et comment elle pourrait germer. Par quels éléments perturbateurs, quelles perturbations, quelles rencontres ? Egocentrisme démesuré, excès de dramatisation, hystérie des ménages, ménage à deux perturbé par l'arrivée d'un enfant, psychodiversité des familles, hétéro-et-auto agressivité dans les couples, perversités, canalisation de nos pulsions obscures, métabolisation de nos péchés capitaux, fantasmes débridés, castrations, flirt avec le seuil pathologique, avenir des illusions, autisme réactionnel, paranoïa amoureuse, détresse histrionique, refoulements et frustrations, bonjour ! (ou re-bonjour).
Dans l'ambiguïté troublante d'une incarnation d'elle même, M. Auberte, la folle, hétéronyme parmi d’autres de l’Auteure, nous invite à participer au processus de l'écriture théâtrale, éclairant et brouillant les pistes entre autofiction théâtralisée et projection sauvage de nos pulsions sur scène. Une langue carnassière, libre, éclatée et résolument contemporaine dans laquelle les clivages volent en éclat et la réalité se confond avec la fiction.
La fragmentation même de l'écriture (onze textes qui chatouillent dans les zones hystérogènes que sont la famille, les couples, et jusqu'aux relations dans la vie professionnelle) est comme une vue cubiste des psychopathologies des relations intimes. Dressant un tableau sans pitié des rapports de pouvoir qui y sévissent. Bien loin d'une pensée féministe binaire, personne n’y est excusé d’avance.
Je me rappelle de ce jeu que nous faisions ou entre deux histoires, l'une fausse et l'autre vraie, il fallait trouver ou était la réalité et ou était la fiction. Entre affabulation véridique et banalisation du mensonge. Peut-être était-ce ce qui était troublant hier ? Vous étiez belle, fragile (je me permets de vous vouvoyer à nouveau). Comment avez-vous remarqué ma présence ? Est-ce mon rire que vous avez reconnu ?
Le Théâtre volait alors en éclats invraisemblables qui se plantaient dans la réalité de mon fauteuil de théâtre. Cela m'a ému jusqu'aux larmes.
Merci
"Orgueil poursuite et décapitation" (Comédie hystérique et familiale) de Marion Aubert mise en scène Marion Guerrero avec Marion Aubert, Thomas Blanchard, Elizabeth Mazev, Adama Diop, Capucine Ducastelle, Olivier Martin-Salvan, Sabine Moindrot, Dominique Parent au théâtre du Rond-point jusqu'au 2 juillet 2011.
Orgueil Poursuite et Décapitation -1- le début par pixloud