La scène ressemble à un tombeau béant et insondable dans lequel croissent et décroissent d'énormes visages lunaires pendant que des larmes s'égouttent partout. Un labyrinthe de lueurs se déploie dans une temporalité suspendue. Personnages et objets apparaissent et disparaissent dans de mélancoliques brumes telles les réminiscences dissonantes d'une lecture de "la chute de la maison Usher" d'Edgar Allan Poe. Un chaos primitif et soigné mis en scène par Sylvain Maurice.
Un spectacle où l'irrationnel se montre dans sa pleine éloquence. Des images, des atmosphères d'une beauté et d'une maitrise dignes d'un spectacle de Bob Wilson. Une globalité ou le jeu, la musique, la narration et la video entrent en correspondance. Mais l'imaginaire lorsqu'il est représenté impose ses propres limites. Choisir de représenter son propre imaginaire d'un texte fantastique n'est-ce pas justement en obstruer le contenu latent tout en abreuvant le public d'images langoureuses ? N'est-ce pas aveugler en montrant ?
Il n'y a pas d'un coté la réalité et de l'autre l'imaginaire mais plutôt un fond de rêveries insondables qui constitue les préalables à toute conscience. Un fond intangible qui sous-tend en continue l'état de veille pour s'épanouir dans l'endormissement, affleurer dans notre réalité lorsque nous lui en donnant l'occasion, comme par exemple devant une oeuvre d'art. Sauf qu'ici nulle place n'est donné à cette émergence et je reste extérieur face à ces images sur lesquelles mon regard glisse avec plaisir.
Traduite en Français par Baudelaire, "La chute de la maison Usher" est une nouvelle fantastique d'Edgar Allan Poe qui figure dans les "Nouvelles histoires extraordinaires".
Roderick Usher invite son ami à passer quelques jours avec lui dans la demeure familiale où il vit cloîtré avec Madeleine, sa soeur jumelle en proie à une mystérieuse maladie qui se manifeste par une hyper-acuité des sens et une grande anxiété. Le narrateur découvre et nous raconte alors un monde étrange, replié sur lui-même et aux portes de la dégénérescence. Roderick et sa sœur Madeleine ont une relation particulière. La maladie et la mort rôdent. Mais le plus insolite est que cette demeure semble douée de vie. Pour passer le temps, et surtout rompre avec la mélancolie, Roderick et le narrateur inventent des chansons tristes, font d’étranges dessins et lisent des livres ésotériques. Jusqu’au jour où Madeleine meurt…
Un court spectacle d'une heure qui pourrait davantage s'appréhender en tant qu'oeuvre plastique que comme oeuvre de théâtre. Une oeuvre ou l'irrationnel, qui devrait se dresser en réaction contre les réductions du positivisme ambiant, sombre dans une matérialité scénique hanté de romantisme.
La Chute de la maison Usher à la Maison de la... par Pariscesoir
Et puisque l'heure est aux "correspondances" je vous recommande également la visite de l'exposition des dessins d'Odilon Redon, une autre figure du fantastique.
"la chute de la maison Usher" jusqu'au 22 mai 2011 à la Maison de la Poésie.
ET
"Odilon Redon, prince du Rêve" Galerie Nationale du Grand Palais jusqu'au 20 Juin, nocturnes le mercredi et le vendredi jusqu’à 22h.