Un mouvement d'émotion lors de la projection en avant première au Théâtre de la Ville de "Pina", premier film d'auteur en 3D, en présence du réalisateur Allemand Wim Wenders. Un voyage dans le regard des danseurs du Tanztheatre de Wuppertal, cherchant à y recueillir la pensée et les apports que la chorégraphe nous a laissé en héritage. C'est au sein d'une amitié de longue date que naît le projet d'un film sur le travail de Pina Bausch. Mais devant l'incapacité à traduire en images les différents canaux sensoriels et la spacialité que travaillent les corps des danseurs, ce film devient, au fil des années, le sujet de plaisanteries par lesquelles les deux artistes se rappellent régulièrement leur projet. Finalement le déclic décisif se produit, pour Wim Wenders, en 2007, à l'occasion de la projection du concert filmé en 3D numérique du groupe de rock Irlandais U2, au Festival de Cannes : "U2 3D". Le projet commun commence alors et, dès 2008, Pina et Wim s'attèlent sa réalisation. Pourtant, le 30 juin 2009, après 6 mois de préparation et deux jours avant le premier essai de tournage, l'inimaginable se produit : Pina Bausch meurt soudain. Wim Wenders arrête aussitôt la préparation, persuadé que le film est impossible à réaliser sans Pina Bausch. Après une phase de deuil et de réflexion, encouragé par des voix venues du monde entier, par l'accord de la famille, par les incitations des danseurs et collaborateurs de la troupe qui viennent à peine de retravailler avec Pina les pièces prévues pour le tournage, Wim Wenders décide de réaliser non plus un film sur et avec Pina, mais seul et "Pour Pina". A côté d'extraits des pièces "Café Müller", "le sacre du printemps", "Vollmond" et "Kontakthof", le film comprend quelques documents d'archives montrant la chorégraphe au travail, intégrés de façon innovante à l'univers en relief du film ; ainsi que de courts solos des danseurs qui lui rendent hommage dans différents endroits de Wuppertal. Pour la construction de ces solos, Wim Wenders a repris une des méthodes d'élaboration bien connue de la chorégraphe consistant à poser des questions à ses danseurs, qui devaient lui répondre par des improvisations dansées ou mimées : des sentiments et expériences intimes à partir desquels s'engageait un profond échange artistique et humain dont on peut retrouver l'atmosphère dans le passionnant documentaire de Chantal Akerman : "un jour Pina m'a demandé".
La danse contemporaine est née à la fin du 19e siècle : comme le cinéma. Et comme lui, c’est un art nouveau qui surgit, même si le plus vieux des supports, le corps humain, en est le mandataire. Mouvements de corps, mouvements de lumières dont Loïe Fuller annonce emblématiquement la naissance (mouvance d’un corps dans la lumière et les projections). Des travaux de la bio-mécanique à la vision des phases intermédiaires du déplacement et de ses dynamiques dévoilées dans la chronophotographie par exemple, des mouvements "nouveaux", qui n’avaient pas étaient répertoriés, surgissent, parce que l’intermittence qui entretenait l’énigme de son battement rapide écarte enfin ses plis. Au-delà de la tentative (tentative peut être vaine ?) de mémoire, la tentative de captation filmée du mouvement dansé n'est donc, peut-être, pas si vaine que cela, puisqu'elle s'inscrit aussi dans une grande entreprise de décloisement des arts qui a eu lieu au 20e siècle et dont Pina Bausch est un des éclats les plus brillant.
Pina Bausch répétait inlassablement la perte vécue par l'Homme dans des systèmes sociaux stéréotypés et hypocrites où même les jeux de pouvoir semblent factices. Peu à peu était apparu un langage nouveau à la frontière entre la danse et le théâtre dont le thème favoris, la dénonciation des codes de la séduction, mettait en lumière le caractère dérisoire des comportements codifiés, la violence profonde de certains gestes anodins. Tout geste est une mémoire de corps et toute poétique du geste ouvre dans la danse l'aire d'une présence. Celle d'un danseur, vaste dépôt marqué par des traces de gestes. Marqué par l'empreinte d'un regard.
L’oeuvre chorégraphique est avant tout un poème de l’existence. Une existence que le danseur n'a de cesse de creuser, mouvement après mouvement, pour aller y chercher son âme. Dans ce poème, le corps en mouvement est à la fois le sujet, l’objet et l’outil de son propre savoir. Et sa puissance à dire le présent du monde, à le faire surgir parfois depuis sa face invisible, pose une réponse évidente et simple face à la vie, à la mort et au moment présent.
"Pina" un film en 3D de Wim Wenders à voir en salle à partir du 6 Mars 2011.
PINA - Dance, dance, otherwise we are lost - International Trailer from neueroadmovies on Vimeo.
(Photo : intérieur, Théâtre de la Ville, Paris)