Un fait qui pourrait paraître banal et qui pourtant ne l'est pas du tout : Olivier Py à été limogé de ses fonctions à la tête du théâtre national de l'Odéon.
"C'est une surprise totale (...). En général un deuxième mandat est pratiquement automatique, sauf en cas de dysfonctionnement grave, donc j'étais tout à fait confiant", dit Olivier Py à l'AFP. "Je suis viré pour avoir réussi (...) J'avoue ne pas comprendre", ajoute-t-il.
C'est la première fois qu'un directeur du théâtre de l'Odéon n'est pas reconduit pour un second mandat. Celui d'Olivier Py s'achèvera en mars 2012, date à laquelle il sera remplacé par Luc Bondy (62 ans), dont la nomination doit être validée par le président de la République.
Le monde du spectacle semble avoir du mal à avaler ce fait d’un prince, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
Que l'on apprécie ou pas Olivier Py, on ne peut que saluer le sérieux et l'engagement de son travail. Mais peut-être justement s'agit-il d'un travail trop engagé ? puisque, ironie de l'histoire, cet évènement intervient juste après le "Adagio Mitterrand, le secret et la mort", un travail à propos duquel le metteur en scène avait confié avoir été l’objet de prévenantes mises en garde : "s’attaquer à un tel sujet était jugé courageux car dangereux en raison de polémiques possibles".
Pourtant, au-delà de la polémique d'ordre politique on ne peut que se poser la question des motivations exactes du gouvernement actuel. Assiste-t-on à un démantèlement culturel ? Au sabotage d'une institution ? s'agit-il d'un fait symptomatique du rapport qu'entretient l'Etat à la culture : entre désengagements symboliques et utilisation abusive du pouvoir ? Des moeurs de ministère douteuses qui trouvent écho dans le cas de Catherine Marnas à qui sa nomination à la tête du théâtre de la Criée, à Marseille, fut annoncé et démenti la nuit de Noël dernier au profit de Macha Makeieff, et ce, malgré la décision des instances concernées. Ou encore la nomination extravagante d’une directrice surnuméraire au théâtre national de Chaillot, salaire tout aussi extravagant à l’appui (L’intéressée a renoncé depuis).
"Je suis fier de mon bilan. Je ne le dis pas simplement pour moi mais pour mes équipes qui ont mené cette maison à un endroit où elle n'était pas. Le taux de fréquentation est optimal - 82% -, 10.000 abonnés, 150.000 spectateurs avec des oeuvres exigeantes", poursuit le metteur-en-scène, en tournée dans des lycées du sud de la France où il présente "Les Perses" d'Eschyle.
"C'est bien cela mon idée du théâtre populaire : amener un public large et diversifié socialement à des oeuvres exigeantes. On a beaucoup travaillé sur les publics jeunes, on a créé toutes sortes de partenariats", ajoute-t-il.
"Et", insiste-t-il, "pour la première fois, le théâtre de l'Europe a enfin de l'argent de l'Europe ! Si le président de la République signe mon départ c'est un beau cadeau que je fais à mon successeur. Il va avoir les moyens de travailler !".
Dans le cadre d'un projet associant cinq théâtres européens, le théâtre de l'Odéon a obtenu une importante subvention de cinq millions d'euros sur cinq ans, financé à 50% par la commission européenne.
Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a souligné que Luc Bondy aurait "notamment pour mission de renforcer la dimension européenne du théâtre de l’Odéon-Théâtre de l'Europe".
"Luc Bondy est un très grand metteur en scène international, il n'y a aucun doute là-dessus (...). Mais je ne peux pas laisser dire que le travail européen n'a pas été fait alors que c'est tout l'inverse", déclare Olivier Py.
Ironie de l’histoire, encore, il se trouve qu’Olivier Py avait lui-même été nommé à la tête de l’Odéon sur une décision brutale de Donnedieu de Vabres, lequel avait, du jour au lendemain, limogé Georges Lavaudant, directeur de l’époque.
Olivier Py s'est dit "touché par l'unanimité de l'incompréhension manifestée par le monde culturel et théâtral" :
"Quelqu'un a dit on va mettre Bondy, qui est par ailleurs un ami, et voilà. Virer quelqu'un comme cela, sans concertation, surtout quand il n'a pas démérité, c'est choquant. La méthode est détestable", juge le metteur en scène Patrice Chéreau.
Daniel Auteuil, qui a travaillé avec Olivier Py, regrette le départ "d'un formidable souffle apporté au théâtre de l'Odéon".
"Rien ne justifie son départ", commente Claire Chazal, membre du conseil d'administration et signataire avec Martine Tridde-Mazloum et le metteur-en-scène Jean-Pierre Vincent, autres membres du CA, d'un communiqué soulignant l'apport essentiel d'Olivier Py au théâtre de l'Odéon.
Interrogé par l'AFP, le ministère de la Culture reste dans un silence de marbre.
(Photo : après représentation du "vrai sang" de et par Valère Novarina à L'odeon en janvier dernier)