Vous avez remarqué ? La désertification culturelle estivale des scènes, je veux dire. Les saisons se terminent ici et Pffuit ! Direction les festivals là-bas. Je pourrai vous en parler longuement, du désert. Mais je préfère vous entraîner dans une oasis. Prenez un vélo, un livre ou une oreille amie, préparez un thé glacé et des amarettis. Donnez vous rendez-vous près du Bassin de la Villette. Filez ! Pensez que rouler est aussi une métaphore. C'est un peu la vie qui tourne et roule comme ça, non ? Quelque chose de cyclique, un voyage à toute allure… Les pensées qui viennent en roulant sont comme les nuages dans le ciel. Les nuages ont différentes tailles, différentes formes, ils vont et viennent alors que le ciel reste le ciel. Les nuages apparaissent, s'éloignent et disparaissent. Reste le ciel. Il existe et à la fois il n'existe pas. Il possède une substance et à la fois n'en possède pas. Un bleu cobalt aujourd'hui, saturé d'air chaud, une mélancolie sans objet qui ressemble curieusement à la soif. Remontez le canal jusqu'à la Villette. Observez ! Observez paris qui s'éloigne déjà. Obliquez vers l'ouest le long du canal Saint-Denis et observez ces herbes ironiques entre les pavés. Comme l'étreinte de Paris qui se desserre, comme si l'heure était venu de bousculer toutes ces pierres. Un délabrement adorable. Enfin, traversez Aubervillier du sud au Nord, le plus vite possible. C'est là, l'oasis, vous y êtes ! Le parc de la Courneuve, nouvellement rebaptisé le parc Georges Valbon. Après Boulogne et Vincennes, c'est la plus grande étendue verte d'Ile de France. Jusqu'au 31 Août il reste ouvert jusqu'à 21h. Le ciel y déborde sur le lac, et le silence sur les coeurs. Mais ne vous fiez pas aux apparences ! C'est aussi la scène d'évènements hautement dramatiques et théâtraux : Vous êtes ici au centre de la plaque tournante du cannabis Parisien, dans un lieu où "il parait que ça baise !" comme me le murmure P. avec un sourire entendu. Attention ! Pas de coquineries dans les bois, hein ? La garde montée veille au grain ! Profitez plutôt du silence pour vous étendre, faire sécher vos vêtements trempés de sueur aux branches d'un arbre, et puis, si vous êtes fatigué, assoupissez vous !
Ce monde manque d'amour, vous ne trouvez pas ? D'accord il n'y a pas que l'amour dans la vie (qui à dit "hélas" ?). Il y a le travail, la famille, la patrie, la politique, le sport, la télé, les vacances… Mais quand il n'y a plus d'amour, ou si peu, si maigre, si sec, est-ce que la vie vaut encore la peine d'être vécue ? Je lisais Rumi récemment, vous savez, ce merveilleux poète Persant qui a dit "ne reste pas sans amour si tu ne veux pas mourir, meurt dans l'amour, si tu veux rester vif". Oh bien sûr, les gens comme il faut vont me dire que ce Rumi parlait d'amour divin. Mais l'amour est toujours l'amour, vous ne croyez pas ? Que vous aimiez, un âne, une activité, un homme, une femme, un dieu, une déesse, ça n'a pas d'importance. Tout est dans l'intensité. Je pense même que vous irez plus loin en aimant un âne avec intensité qu'en aimant votre Dieu avec tiédeur. Donc je pensais à Rumi quand la voix chaleureusement roque d'une jeune Persanne moderne qui passait près de là retentit jusqu'à moi : "Il est grave dans le love !"
De quel Hamlet parlait donc cette Ophélie moderne, de quel Roméo ? Probablement s'agissait-il de son amoureux ou de celui de sa copine ? Sans en mettre ma main au feu, je pense que cette expression : "être grave dans le love" Signifie "aimer fortement, dans un attachement passionnel et romantique". Jusqu'à l'excès peut-être… Jusqu'au danger, jusqu'à l'orage, la folie… Rien à voir avec Rumi et les soufis ? Rien à voir avec ce pur amour, dénué d'égo, dont vous avez, je n'en doute pas un instant, l'expérience intime ? Pas si sûr ! Vous pourrez par la suite vous amuser à relire Rumi comme un beau rap mystique : "ma place est d'être sans place, ma trace est d'être sans trace, je n'ai pas de corps ou d'âme puisque j'appartiens à l'âme du bien aimé". Et laissez infuser la paix qui découle de la sagesse urbaine.